CONF�RENCE ET FOIRE COMMERCIALE
SUR LA P�CHE DE L'AVENIR

 NOTES POUR UNE ALLOCUTION PRONONC�E PAR
M. FRED WOODMAN,  PR�SIDENT, CCRH

� PLACENTIA (TERRE-NEUVE)
LE 18 F�VRIER 2000


Bonsoir,

Je tiens tout d'abord � vous remercier de votre chaleureux accueil. Je me sens vraiment comme si j'�tais avec de bons amis, et, � en juger par tous les visages que je vois dans cette pi�ce et qui me sont familiers, je suis effectivement entre amis.

Je suis tout particuli�rement heureux de prendre part � votre conf�rence, car nous devons tous examiner plus en profondeur ce que sera la p�che de l'avenir.

Je me souviens de mes vacances d'�t� pendant lesquelles j'allais p�cher � la ligne et au chalut avec mon grand-p�re Fiander dans la baie de Fortune. Je me souviens �galement �tre aller travailler avec mon grand-p�re Woodman � son usine de salage de morue et de transformation du saumon frais. Je tiens � souligner que mon grand-p�re Woodman a �t� mon mentor et que c'est lui qui m'a orient� vers la p�che. � partir de cette exp�rience, j'ai d�marr� ma propre entreprise et je suis fier de dire qu'elle est toujours en op�ration sous le nom de Woodman Sea Products. C'est toute une aventure, mais j'aime �norm�ment l'exp�rience!

Je tiens tout d'abord � vous dire que quiconque d�cide de faire fi de l'histoire est condamn� � refaire les m�mes erreurs. Il est heureux qu'un grand nombre d'entre nous pratiquent la p�che depuis suffisamment longtemps pour bien conna�tre l'histoire de la p�che, compte tenu du fait que nous sommes ceux qui l'ont provoqu�e!

Si quelqu'un nous avait dit en 1960 qu'il y aurait un jour un syst�me mondial de localisation ou qu'un bateau de moins de 45 pieds pourrait mettre � l'eau 100 filets maillants, nous aurions pens� qu'il �tait fou. � cette �poque, si quelqu'un nous avait dit de fa�on s�rieuse que le Canada contr�lerait ses eaux territoriales dans une limite de 200 milles, nous aurions pens� qu'il s'agissait d'un r�veur oisif.

M�me au cours des ann�es 1970, si quelqu'un avait propos� que nous pourrions un jour d�terminer l'origine des diff�rents stocks de morue au large du sud de Terre-Neuve en ayant recours � une analyse de l'ADN ou des empreintes g�n�tiques des tissus adipeux, nous nous serions mis � rire et � nous demander de quoi il parlait.

Si nous nous reportons � une p�riode plus r�cente, c'est-�-dire au d�but des ann�es 1980, si quelqu'un nous avait dit alors que nous pourrions p�cher la morue du Nord - l'une des plus grandes ressources naturelles au monde - jusqu'au point d'�puiser les stocks, nous l'aurions accus� d'�tre un proph�te de malheur.

Puis, en dernier lieu, si quelqu'un m'avait dit que je serais un jour pr�sident d'un conseil regroupant des repr�sentants de l'industrie de la p�che et des scientifiques charg� de recommander des mesures de conservation au ministre des P�ches et des Oc�ans, je lui aurais demand� : � Quelle sorte de tabac fumes-tu? �.

Pourtant, tous ces �l�ments font partie du monde dans lequel nous vivons actuellement.

Nous avons une technologie qui peut nous permettre de capturer tous les poissons qui existent (et je dois dire malheureusement que nous en sommes presque arriv�s � ce point). En am�liorant la conception des navires et en accroissant l'efficacit� de tous les genres d'engins, le poisson ne peut plus se cacher. Il n'y a plus de refuge naturel o� le poisson est ind�tectable pour l'humain.

Bien que nous ayons mis au point des technologies nouvelles, nous n'avons toujours pas acquis suffisamment de connaissances et nous ne sommes toujours pas dot�s d'une science suffisamment exacte pour les contr�ler toutes. Nous n'aurons peut-�tre jamais assez de connaissances, mais je crois que nous pouvons faire mieux que ce que nous faisons actuellement et beaucoup mieux que ce que nous avons fait par le pass�.

La p�che commence lorsque l'on met les lignes ou le chalut � l'eau. Nous devons mieux contr�ler ce qui se passe sur l'eau d�s le d�but de la p�che et pas seulement au quai lorsque le poisson est d�barqu�.

Le CCRH a �t� mis sur pied en 1993 pour d�fendre les principes de base suivants : adopter une attitude globale face � la conservation et � la gestion de nos ressources et jouer un r�le plus efficace dans le processus de prise de d�cisions � l'intention des personnes qui ont une exp�rience et une connaissance pratiques de la p�che. Le Conseil a �t� cr�� � titre de partenariat entre le gouvernement, les scientifiques et les parties directement concern�es par la p�che. Il aide � g�rer les p�ches de l'Atlantique de fa�on durable. Pour ce faire, nous tentons de cr�er des liens plus �troits entre les scientifiques, les gestionnaires des p�ches et les p�cheurs.

J'ai v�cu dans ma jeunesse � New Harbour, dans la baie de la Trinit�. J'allais � l'�glise en compagnie de ma grand-m�re Woodman. Je ne me rappelle peut-�tre pas tellement de ce qui a �t� dit pendant les offices religieux, mais certaines choses m'ont marqu�. L'une d'entre elles a trait aux enseignements donn�s pendant l'Avent. Pour ceux et celles d'entre vous qui ne sont pas de religion anglicane ou catholique, l'Avent est la p�riode pr�paratoire � No�l. Pendant l'Avent, on nous disait que nous devions lire, identifier, apprendre et assimiler. J'ai l'impression qu'� bien des niveaux, c'est ce que nous avons fait dans le domaine de la p�che depuis l'annonce du moratoire.

Nous avons lu – au cours des sept derni�res ann�es, je n'ai jamais autant lu ou pris connaissance d'autant d'�tudes de toute ma vie, car j'essayais de comprendre ce qui �tait arriv�.

Nous avons identifi� – nous pouvons d�finir les nombreux probl�mes et nous savons quelles sont les questions les plus importantes.

Nous avons beaucoup appris au sujet de la p�che, et j'esp�re que la plupart d'entre nous avons tir� une le�on des erreurs commises par le pass�.

Nous avons assimil� ce que nous avons appris et la fa�on par laquelle nous en sommes arriv�s � ce stade-ci dans l'histoire de la p�che. Nous avons examin� dans quelle mesure les bateaux de p�che �trangers ont contribu� � la situation, la fa�on dont les phoques ont jou� un r�le et les effets du refroidissement de l'eau et, parfois, nous avons m�me examin� le r�le que nous avons jou� et les r�percussions de notre fa�on d'agir en tant que p�cheur et transformateur, c'est-�-dire la fa�on dont nous avons malmen� la ressource en utilisant la technologie et l'information qui �taient � notre disposition.

Si vous me permettez de poursuivre mon analyse eccl�siastique, il est maintenant temps de tourner les pages du calendrier de l'�glise. Nous passons de l'Avent, qui est la p�riode pr�paratoire � No�l, � la saison des espoirs nouveaux et peut-�tre m�me jusqu'� P�ques qui est la p�riode de la renaissance et des deuxi�mes chances.

Il est temps de mettre en pratique ce que nous avons appris et de passer � une �tape o� nous pourrons mieux comprendre les r�percussions de ce que nous faisons.

En juillet 1997, le Conseil pour la conservation des ressources halieutiques a fait para�tre l'un de ses rapports les plus complets intitul� Un cadre pour la conservation du poisson de fond sur la c�te atlantique du Canada. Dans le cadre de ce rapport, nous avons consacr� beaucoup de temps et d'�nergie � l'�laboration d'un plan qui nous aiderait � atteindre les quatre buts que nous nous sommes fix�s :

  1. Reconstituer les stocks de poisson �puis�s
  2. Utiliser de fa�on durable les stocks apr�s leur r�tablissement
  3. Mettre en place des pratiques de protection de la nature et
  4. Optimiser les avantages d�coulant de la ressource.

J'aimerais vous entretenir de la fa�on dont le Conseil cherche � atteindre ces buts dans le cadre de la p�che de la morue en 3Ps.

Reconstituer les stocks de poisson �puis�s :

Dans le premier rapport qu'il a remis au Ministre en 1993, le CCRH a recommand� un moratoire de la p�che de ce stock qui est le deuxi�me plus important stock de morue au large de Terre-Neuve. En 1997, � partir de certains indices selon lesquels le stock se r�tablissait, le Conseil a recommand� la r�ouverture de la p�che commerciale en autorisant de fa�on prudente des captures de 10 000 tonnes. Les signes de reprise de cette p�che �taient encourageants, car les relev�s du MPO montraient un accroissement de l'abondance. Les r�sultats des relev�s acoustiques montraient une plus grande concentration des populations, et les r�sultats des p�ches de contr�le allaient dans le m�me sens. Le Conseil a donc recommand� que cette limite soit port�e � 20 000 tonnes en 1998. En 1999, le Conseil n'a pu r�sister � l'euphorie croissante et a recommand� que les captures soient augment�es � 30 000 tonnes.

Je n'h�site pas � dire que, selon moi, il s'agissait l� d'une erreur. Nous sommes all�s trop loin trop rapidement. Des indices d'un manque de petits poissons, une baisse de 25 p. 100 de l'estimation de la biomasse totale, une concentration des efforts de p�che dans une zone restreinte � une p�riode bien pr�cise et un changement marquant du genre d'engins utilis�s cette ann�e, c'est-�-dire de la palangre au filet maillant, sont tous des facteurs qui nous ont incit�s � recommander que la p�che soit r�duite consid�rablement en l'an 2000.

Utilisation durable

Pour assurer la durabilit�, nous devons r�pondre aux besoins d'aujourd'hui sans compromettre la capacit� des g�n�rations futures � r�pondre � leurs propres besoins.

Pour que la durabilit� soit chose concr�te, nous devons mettre en place des mesures de conservation appropri�es. Ces mesures doivent s'adapter � la technologie de plus en plus perfectionn�e et tenir compte de facteurs socio-�conomiques qui exercent des pressions en vue de r�coltes maximales qui sont souvent � court terme. Notre mauvaise compr�hension des populations de poissons et de leur variabilit� naturelle rend la situation encore plus complexe.

Le besoin de renseignements ad�quats constitue l'un des principes fondamentaux de l'utilisation durable de la ressource. Sans ces renseignements, la gestion et les captures seront inefficaces et souvent inappropri�es.

Si nous voulons nous gagner la confiance des p�cheurs, ceux-ci ne doivent pas �tre consid�r�s simplement comme des � collecteurs de donn�es � � l'intention des scientifiques, mais ils doivent participer pleinement � chacune des �tapes du processus d'analyse scientifique des stocks de poisson de fond. Nous devons continuer � favoriser les projets conjoints entre les scientifiques et l'industrie. Ils doivent �tre �largis et ils doivent �tre coordonn�s. Sans l'aide des p�cheurs, nos connaissances au sujet du poisson de fond au large du sud de Terre-Neuve laisseraient encore beaucoup plus � d�sirer.

Par exemple, les p�ches de contr�le nous ont permis de recueillir des renseignements pr�cieux. Elles devraient �tre maintenues afin de mettre sur pied une base de donn�es qui serait pleinement utilisable � long terme. Dans le cadre des p�ches de contr�le, les p�cheurs collaborent �troitement avec les scientifiques pour faire en sorte que leurs m�thodes de p�che permettent de comparer leurs captures d'une ann�e � une autre et d'un endroit � un autre.

Il y a quelques ann�es, les scientifiques ont mis sur pied des programmes des p�cheurs rep�res. Ces programmes devraient �tre �largis. Par ailleurs, les p�cheurs participent conjointement avec des scientifiques � des relev�s en haute mer. Ces relev�s sont parrain�s par le Conseil des allocations aux entreprises d'exploitation du poisson de fond. Leurs r�sultats sont devenus tr�s importants afin de nous aider � mieux comprendre les stocks.

Ceci �tant dit, je tiens � pr�ciser que le CCRH est conscient de l'importance des relev�s de recherche effectu�s par le Secteur des sciences du MPO. Ces relev�s sont l'un des outils les plus importants permettant d'�valuer les stocks. Comme la p�che commerciale est tr�s limit�e � cause des fermetures ou des restrictions de la p�che, les r�sultats de ces relev�s sont, � nos yeux, une source primordiale de renseignements sur l'�tat des stocks de poisson de fond. Nous avons fait certains reproches au sujet du d�roulement de ces relev�s, mais nos critiques n'avaient pas rapport � la conception ou � la validit� scientifiques et elles ne s'adressaient pas aux scientifiques m�mes. En r�alit�, nos critiques avaient trait aux restrictions budg�taires impos�es au Secteur des sciences du MPO.

Comme je l'ai d�j� mentionn�, pour concr�tiser la durabilit�, nous devons mettre en place des mesures de conservation appropri�es. Voici les objectifs de ces mesures :

Sans entrer dans beaucoup de d�tails, je tiens � vous dire que le Conseil consid�re que son rapport r�cent contribue largement � jeter les bases de la durabilit� du stock de morue en 3Ps. Celles-ci nous permettront de r�pondre � nos besoins, � ceux de nos petits-enfants et � ceux de leurs petits-enfants.

Par exemple, nous savons que les poissons plus �g�s sont de meilleurs g�niteurs que les poissons plus jeunes. Nous pouvons donc conclure qu'une structure par �ges multiples est une composante primordiale de la capacit� de reproduction d'un stock. En d'autres termes, il doit y avoir des poissons de tous les �ges dans une population de poissons. Nous ne devons pas p�cher uniquement le gros poisson.

Mettre en place des pratiques de protection de la nature

Notre cadre de conservation �tablit des principes qui nous orientent dans l'atteinte de nos buts en mati�re de durabilit�. Voici ces principes :

Optimiser les avantages

Le dernier but est peut-�tre le plus facile � d�crire, mais aussi ultimement le plus difficile � atteindre.

Optimiser les avantages d�coulant de la ressource ne signifie pas capturer le plus grand nombre de poissons possible le plus rapidement possible. Nous entendons par l� que nous devons plut�t tirer profit des avantages qu'offre le stock � long terme.

Pour ce faire, nous pouvons p�cher � des niveaux assurant la durabilit�, minimiser le gaspillage, capturer le poisson suffisamment gros pour �tre utilis� et avoir recours � des pratiques de manutention appropri�es qui maintiendront ou augmenteront le revenu tout en tuant moins de poissons.

Je vous donne un exemple concret d'une situation o� nous allons � l'encontre de l'atteinte de ce but. Est-il sens�, en ce monde d'aujourd'hui, que, sur le march� mondial du poisson de premi�re qualit�, on prenne le meilleur poisson blanc au Canada, c'est-�-dire la morue, pour le couper et le faire congeler en bloc? Nous prenons une ressource de premi�re qualit� et nous la transformons en un produit de bas de gamme. Les �leveurs de boeuf prennent-ils le filet pour en faire de la viande � hamburger? Pourquoi agissons-nous ainsi avec la morue?

L'une des principales raisons pour lesquelles nous transformons notre morue en un produit de bas de gamme est un exemple de ce qui a �t� pendant trop longtemps la trag�die des ressources d'usage commun : trop de gens essaient de capturer trop peu de poissons. Nous pouvons restreindre le nombre de bateaux qui pratiquent la p�che, mais ils sont �quip�s de plus en plus d'engins puissants, de meilleurs dispositifs de positionnement et de technologies plus efficaces. Cette surcapacit� perp�tue la course aux poissons. Nous devons maximiser les avantages �conomiques de la p�che tout en minimisant nos r�percussions sur la ressource : il s'agit l� d'une dichotomie que nous pouvons et que nous devons r�gler.

J'esp�re ne pas avoir d�passer mon temps de parole et ne pas vous emp�cher d'aller participer � la danse organis�e ce soir. Toutefois, avant de terminer, j'aimerais vous laisser sur ces paroles qui, je l'esp�re, seront mati�re � r�flexion.

Depuis la prolongation de la limite territoriale � 200 milles, nous avons la possibilit� de planifier la p�che de l'avenir.

En 1977, nous n'avons pas su reconna�tre jusqu'� quel point nos stocks de poissons �taient �puis�s, surtout ceux de la morue du Nord. Nous n'avons pas su donner � ces stocks le temps de se r�tablir de l'�norme pression qu'ils avaient subie vers la fin des ann�es 1960 de la part des flottilles �trang�res. En 1968, 1,5 million de tonnes de morue ont �t� captur�es dans les eaux canadiennes. La plupart de ce volume, c'est-�-dire 850 000 tonnes, provenaient des divisions 2J3KL, et la plupart de ces poissons avaient �t� captur�s par des bateaux �trangers. En 1977, nous avons �largi notre limite territoriale � 200 milles. De 1978 � 1986, nous avons constamment augment� le TAC d'ann�e en ann�e. Nous avons remplac� l'effort de p�che �tranger par une capacit� de p�che canadienne dot�e d'une technologie tout aussi perfectionn�e sinon plus perfectionn�e.

Nous sommes pass�s � c�t� des possibilit�s que nous offrait la prolongation de la limite territoriale � 200 miles.

Il nous reste encore une possibilit�, quoique tr�s mince. J'ai tr�s peur qu'en l'an 2000, nous refassions � nouveau les m�mes erreurs que nous avons commises en 1978 en ne laissant pas aux stocks le temps n�cessaire pour se r�tablir � des niveaux de durabilit�.

Si nous ratons cette derni�re chance, nous r�p�terons � nouveau les erreurs du pass� - et nous aurons � en subir pendant longtemps les lourdes cons�quences.

Je vous remercie beaucoup de votre bienvaillante attention.